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Le génie de Paris par rapport aux autres capitales de la mode, c’est sa faculté à mélanger les propositions les plus diverses : du petit créateur émergent aux maisons historiques, à chacun sa vision du luxe. La fashion week printemps-été 2025 qui se déroule jusqu’au 1er octobre en a livré quatre définitions.
Le luxe, c’est rester fidèle à qui l’on est. Il est rare qu’Hermès, maison à l’héritage équestre, défile ailleurs qu’à la caserne des Célestins, siège de l’état-major de la garde républicaine, près des chevaux qu’elle affectionne tant – le trafic fortement perturbé par les invités et les badauds sur le boulevard Henri-IV était d’ailleurs régulé par des gendarmes cavaliers, avec un certain panache. A l’intérieur, sous une grande tente, Hermès a recréé l’ambiance feutrée d’un atelier : des toiles blanches encadrées de panneaux délimitent l’espace au sol framboise, où les coups de pinceau sont encore visibles.
« L’atelier, j’y vais tous les jours, depuis des années. C’est un endroit où l’on prend le temps de faire éclore des idées. Ce défilé est un hommage à la création et à l’artisanat », explique Nadège Vanhée. La designer s’est logiquement inspirée du vestiaire de l’artisan, qu’elle infuse comme toujours d’une dose de sensualité. Les tabliers se transforment en robes transparentes portées par-dessus une brassière et un pantalon en résille de soie, les vestes multipoche sont raccourcies au-dessus du nombril, les pantalons amples se dézippent jusqu’à la cuisse… Entre les mains de Nadège Vanhée, pas de risque de tomber dans la vulgarité.
Déclinée dans une palette monochrome exponentielle, qui progresse d’un timide « beige kraft » vers un tonique « rose bougainvillier » (selon le vocabulaire de la marque), la collection brille par la qualité de ses tissus, du twill de soie éclatant au cuir de veau moelleux. Saluons aussi le mérite de la Française d’avoir choisi trois mannequins plus en chair que la taille 36 de nouveau en vigueur sur les podiums. Trois femmes sur une soixantaine, cela ne paraît peut-être pas beaucoup, mais, dans les autres défilés, la diversité morphologique a presque complètement disparu.
Le luxe, c’est montrer sa collection à la maison. Surtout quand le logis donne sur le rond-point des Champs-Elysées, avec vue sur la tour Eiffel et le toit vitré du Grand Palais. Carven y possède plusieurs étages depuis sa création, en 1945, avec la boutique au rez-de-chaussée, et le studio au cinquième étage.
« C’était important pour moi de vous réunir ici, parce que Carven n’est pas seulement une marque, c’est aussi une maison », explique la designer Louise Trotter, qui a éparpillé ses invités dans les différentes pièces. Les salons au parquet blond, les chambres aux papiers peints fleuris, la salle de bains aux petits carreaux ont appartenu à la fondatrice, Carmen de Tommaso (1909-2015), et ont été rénovés avec soin mais d’une main légère, juste assez pour qu’on sente encore l’esprit du siècle précédent.
La collection est empreinte de la même délicatesse : beaucoup de robes un peu larges, comme flottant autour du corps, au dos basculé. Les pantalons sont amples, les poches profondes permettent d’y enfoncer les mains parfois gantées d’un voile de soie… Le vestiaire atteint un point d’équilibre intéressant entre nonchalance et sophistication, entre le peignoir et la tenue de soirée.
Le luxe, c’est intégrer le calendrier officiel des défilés pour la première fois, et y présenter une collection particulièrement réussie. A 29 ans, l’Italien Niccolo Pasqualetti, passé par les marques The Row et Loewe, était, début septembre, parmi les finalistes du prix LVMH récompensant la jeune création. S’il n’a décroché aucun trophée, sa créativité faisant honneur aux savoir-faire italiens a été remarquée, notamment ceux propres à sa région natale, la Toscane, comme le travail du cuir, du métal ou du bois. Elle le fut tout autant lors de son défilé parisien.
On retrouve dans son vestiaire poétique et délicat des vestes d’homme portées avec des pantalons larges en lin recouverts d’une couche de tulle, de tee-shirts en cuir souple associés à des pantalons imprimés à la taille haute ou encore des robes drapées à l’encolure piquée de chaînons métalliques. Niccolo Pasqualetti, qui a débuté par les bijoux, ne néglige pas ces derniers : pendants d’oreille en perles translucides, bracelets en acier frappé ou encore médaillon en bois sculpté accompagnent cette garde-robe moderne et féminine.
Le luxe, c’est enfin de proposer à sa clientèle de haute couture une alternative de prêt-à-porter à la hauteur de leur extravagance. Daniel Roseberry, à la manœuvre chez Schiaparelli depuis 2019, est réputé pour ses collections couture grandiloquentes, mêlant références surréalistes et fulgurances déclenchant les likes par milliers sur les réseaux sociaux. Inscrite au calendrier officiel du prêt-à-porter seulement depuis mars 2023, la marque se devait de susciter le même engouement pour cette ligne plus accessible.
Un luxe du quotidien qui s’exprime sur une chemise d’homme renforcée par un corset, des robes longues aux épaules échancrées portées près du corps, des robes de plage aux bretelles bijoux ou encore des longues vestes de smoking avec un revers en satin, accessoirisées d’un collier soleil ou d’une boucle d’oreille dorée façon squelette de poisson.
« On m’a dit récemment que les femmes n’achetaient pas du Schiaparelli, mais le collectionnaient. J’ai pensé qu’il ne fallait pas faire des vêtements uniquement pour nos clientes, mais aussi pour leurs filles et leurs petites-filles. Des pièces que l’on collectionne et que l’on transmet », explique l’Américain. Les nombreuses habituées installées au premier rang, dont l’influenceuse Kylie Jenner, devraient facilement dénicher de quoi enrichir leur panoplie.
Elvire von Bardeleben et Maud Gabrielson
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